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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

gée sous l’impression d’idées désagréables. Rentré au milieu du sens dessus dessous que ce brave homme a occasionné dans la maison pour ses travaux ; j’ai fait le vitrier et j’ai achevé de mastiquer la glace.

J’ai eu pourtant des moments de plaisir à continuer la lecture de l’aventure de la femme arabe délivrée au milieu de la traite des nègres, de la Revue britannique.

J’ai commencé aussi et continué, en dînant dans l’atelier, l’article sur Charles-Quint dans le cloître[1] ; je suis très impressionné par chaque chose intéressante qu’il m’arrive de rencontrer dans les livres. Les grands hommes en déshabillé et étudiés à la loupe, s’ils ne relèvent pas beaucoup la nature humaine dans ses plus nobles échantillons, consolent du moins de leur propre faiblesse les hommes mécontents d’eux-mêmes par trop de modestie, ou par un trop grand désir de la perfection. Ce grand empereur était un gourmand déterminé, et il ressent à tous moments les inconvénients de ce défaut, sans en être corrigé, ni par le sentiment de sa suprême dignité, ni par la faiblesse de son estomac… La goutte, punition ordinaire des gourmands, ne peut mettre un frein à sa sensualité.

Je vois avec plaisir, dans cet article, que c’était un grand homme doué de beaucoup d’énergie et en même temps de qualités aimables. Ce n’est

  1. Ce sujet avait déjà inspiré à Delacroix un tableau peint en 1831 : Charles-Quint au monastère de Saint-Just, dont il existe plusieurs variantes. (V. Catalogue Robaut, nos 354, 453, 654, 695 et 1565.)