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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Les coupes qu’on a faites à droite et à gauche, et qui vont s’étendre encore, malheureusement, donnent des aspects qui varient toute cette partie.

Le soir, descendu vers la rivière, et promenade au bord de l’eau, en allant vers le pont. J’étais ravi de la grandeur et de l’aspect paisible de cette eau : jamais je ne l’avais vue si pittoresque. Du côté du couchant, elle rappelait tout à fait les teintes à la Ziem… Quelques tours encore dans le jardin, par un petit clair de lune, qui se confondait avec le jour finissant.

J’ai trouvé dans cette promenade solitaire quelques instants de bonheur. Les sentiments mélancoliques qu’inspire le spectacle de la nature m’ont paru, plus que jamais, au bord de cette rivière, une nécessité de notre être. Ce sentiment mal défini, que chaque homme peut-être a cru lui être particulier, s’est trouvé avoir un écho chez tous les êtres sensibles. Les modernes n’ont eu que le tort de lui faire tenir trop de place dans leurs compositions ; aussi les poètes des contrées du Nord, les Anglais particulièrement, sont-ils les pères du genre. Tout porte à la rêverie chez eux : les mœurs plus recueillies, et la nature plus sévère dans son aspect.

Dimanche 15 mai. — Barbier et sa femme venus pour faire divers travaux.

Mauvaise journée.

Promenade dans la forêt vers dix heures et prolon-