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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ouvrage, pour conduire d’un motif à l’autre ou les faire valoir. Les retouches pourtant ne sont pas aussi funestes au tableau qu’on pourrait croire, quand le tableau est bien pensé et a été fait avec un sentiment profond. Le temps redonne à l’ouvrage, en effaçant les touches, aussi bien les premières que les dernières, son ensemble définitif.

Jeudi 14 avril. — Dîné chez M. Fould[1]. Le Moniteur[2] a envie d’avoir de ma prose : cela tombe mal au milieu de mes occupations.

Été chez R… finir la soirée pour entendre la répétition et le choix que Delsarte fait des morceaux de son concert. Cette éternelle musique primitive, sans interruption, est bien monotone ; un air de Cherubini risqué au milieu de tout cela m’a paru un foudre d’invention.

Vendredi 15 avril. — Le préfet nous dit ce matin à notre comité, où on débattait une question de cimetière, qu’à propos de l’insuffisance des cimetières de Paris il existait un projet d’un sieur Lamarre ou Delamarre, qui proposait sérieusement d’envoyer les morts en Sologne, ce qui aurait l’avantage de nous en débarrasser et de fortifier le terrain.

  1. Achille Fould, homme d’État et financier, ministre de Napoléon III. Il fut élu en 1857 membre de l’Académie des beaux-arts.
  2. Ce fut pour le Moniteur que Delacroix écrivit le grand article sur le Poussin qui parut dans les nos des 26, 29, 30 juin 1853.