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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Cerfbeer aussitôt après, et promené un peu sur les boulevards.

Mardi 12 avril. — Dîné chez Riesener avec Gautier[1], qui a été aimable ; il me boudait depuis quelque temps.

J’ai été voir en revenant le dernier acte de Sémiramis.

Dans la journée, Mme Villot, Mme Barbier et Mme Herbelin sont venues voir mes tableaux. Cette dernière s’est affolée des Pèlerins d’Emmaüs[2], et veut l’avoir au prix que j’avais demandé.

Mercredi 13 avril. — Il faut toujours gâter un peu un tableau pour le finir. Les dernières touches destinées à mettre de l’accord entre les parties ôtent de la fraîcheur. Il faut paraître devant le public en retranchant toutes les heureuses négligences qui sont la passion de l’artiste. Je compare ces retouches assassines à ces ritournelles banales qui terminent tous les airs et à ces espaces insignifiants que le musicien est forcé de placer entre les parties intéressantes de son

  1. Delacroix rencontrait assez souvent Th. Gautier chez Riesener et ne se montrait pas toujours à son égard aussi courtois qu’on aurait pu le penser. Nous tenons de Mme Riesener le détail suivant : un soir, Gautier demanda à Delacroix de lui prêter un costume oriental, dont il l’avait vu revêtu à un bal costumé, et le peintre refusa net en termes qui jetèrent un froid parmi les assistants. Nous nous sommes déjà expliqué sur la cause probable de la froideur de Delacroix.
  2. Cette admirable toile a figuré récemment à l’Exposition des Cent chefs-d’œuvre, à la salle Petit, avec la Fiancée d’Abydos. Le prix en question était deux mille francs. (Voir Catalogue Robaut, no 1192.)