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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dant la petite Desdémone aux pieds de son père[1], il ne put s’empêcher de fredonner le Se il padre m’abbandonna, et les larmes lui vinrent aux yeux. C’était notre beau temps ensemble. Je ne le valais pas, au moins pour la tendresse et pour bien d’autres choses, et combien je regrette de n’avoir pas cultivé cette amitié pure et désintéressée ! Il me voit encore, et, je n’en doute pas, avec plaisir ; mais trop de choses et trop de temps nous ont séparés. Il me disait, il y a peu d’années, en se rappelant cette époque de Mantes et de notre intimité : « Je vous aimais comme on aime une maîtresse. »

Il y a aux Italiens, qui jouent maintenant dans le désert, une Cruvelli[2] dont on parle très peu dans le monde et qui est un talent très supérieur à la Grisi, qui enchantait tout le monde quand les Bouffes étaient à la mode.

    Mondes, mais non inséré, et c’est grand dommage, car on y eût trouvé des renseignements bien précieux sur les débuts, les théories et les procédés de travail du maître. »
    Ce que M. Tourneux ne dit pas, et ce que nous pouvons ajouter, c’est que l’article du baron Rivet avait été précisément composé à l’occasion du Journal que nous offrons intégralement au public, dont il avait eu la bonne fortune de détenir quelques fragments en copie. Reconnaissons qu’il a fallu tout un étrange concours de circonstances pour que l’œuvre posthume du plus illustre de nos peintres ne se trouvât livrée à la publicité que trente années après sa mort.

  1. Il s’agit probablement ici d’une répétition avec variantes du tableau qui porte la date de 1839. (Voir Catalogue Robaut, no 698.)
  2. La Cruvelli (baronne Vigier) était une cantatrice célèbre. Ses débuts, selon Delacroix, semblent être passés inaperçus. Si l’on interroge ses biographes, il est facile de constater en effet qu’à la différence de ses illustres rivales, les Grisi, les Pisaroni, ses débuts n’eurent aucun éclat.