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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.
distractions qu’on peut prendre, je pense que celui qui les trouve dans un objet comme la peinture, doit y trouver des charmes que ne présentent point les amusements ordinaires. Ils consistent surtout dans le souvenir que nous laissent, après le travail, les moments que nous lui avons consacrés. Dans les distractions vulgaires, le souvenir n’est pas ordinairement la partie la plus agréable ; on en conserve plus souvent du regret, et quelquefois pis encore. Travaillez donc le plus que vous pourrez : c’est toute la philosophie et la bonne manière d’arranger sa vie[1].  »


1er avril. — J’ai usé pour la première fois de mes entrées aux Italiens… Chose étrange ! j’ai eu toutes les peines du monde à m’y décider ; une fois que j’y ai été, j’y ai pris grand plaisir ; seulement j’y ai rencontré trois personnes, et ces trois personnes mont demandé à venir me voir. L’une est Lasteyrie[2], qui veut bien m’apporter son livre sur les vitraux ; la seconde est Delécluze[3], qui m’a frappé sur l’épaule

  1. Confidence rapportée par Baudelaire à qui Delacroix l’avait faite : « Autrefois, dans ma jeunesse, je ne pouvais me mettre au travail que quand j’avais la promesse d’un plaisir pour le soir, musique, bal, ou n’importe quel autre divertissement. Mais aujourd’hui je ne suis plus semblable aux écoliers, je puis travailler sans cesse et sans aucun espoir de récompense. » (Art romantique. L’Œuvre et la vie d’Eugène Delacroix.)
  2. Le comte de Lasteyrie, archéologue et homme politique, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, s’était fait connaître par des travaux d’archéologie et de critique d’art. Il avait écrit des articles sur Delacroix au journal le Siècle.
  3. Nous avons pu, grâce au précieux travail de M. Maurice Tourneux, Delacroix devant ses contemporains, suivre, année par année, les juge-