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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tous ces inconvénients, quelle consolation que celle qui vient du travail ! Que je me trouve heureux de ne plus être forcé d’être heureux comme je l’entendais autrefois ! A quelle tyrannie sauvage cet affaiblissement du corps ne m’a-t-il pas arraché ? Ce qui me préoccupait le moins était ma peinture. Il faut donc faire comme on peut ; si la nature refuse le travail au delà d’un certain nombre d’instants, ne point lui faire violence et s’estimer heureux de ce qu’elle nous laisse ; ne point tant s’attacher à la poursuite des éloges qui ne sont que du vent, mais jouir du travail même et des heures délicieuses qui le suivent, par le sentiment profond que le repos dont on jouit a été acheté par une salutaire fatigue qui entretient la santé de l’âme. Cette dernière agit sur celle du corps ; elle empêche la rouille des années d’engourdir les nobles sentiments.

Lundi 18 octobre. — J’ai travaillé tous ces jours-ci avec une ténacité extrême, avant d’envoyer mes peintures qu’on colle demain ; je suis resté sans me reposer pendant sept, huit et près de neuf heures devant mes tableaux.

Je crois que mon régime d’un, seul repas est décidément celui qui me convient le mieux.

Mardi 19 octobre. — Commencé à coller à l’Hôtel de ville. Tous les jours suivants, j’y serai assidu. Je ne pourrai guère commencer à retoucher que samedi