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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Dimanche 3 octobre. — Sorti aussi, plaine Monceau. Beau ciel : monuments de Paris dans le lointain.

Lundi 4 octobre. — Jenny est partie ce matin pour aller passer quelque temps, le plus quelle pourra, auprès de Mme Haro, et moi, je suis souffrant et arrêté dans mon travail.

Haro se sert, pour mater les tableaux, de cire dissoute dans l’essence rectifiée, avec légère addition de lavande (essence) ; pour ôter ce matage, il emploie de l’essence mêlée à de l’eau. Il faut battre beaucoup pour que le mélange se fasse.

Ce matage, frotté avec de la laine, donne un vernis qui n’a pas les inconvénients des autres.

Samedi 9 octobre. — Je disais à Andrieu qu’on n’est maître que quand on met aux choses la patience qu’elles comportent. Le jeune homme compromet tout en se jetant à tort et à travers sur son tableau.

Pour peindre, il faut de la maturité ; je lui disais, en retouchant la Vénus, que les natures jeunes avaient quelque chose de tremblé, de vague, de brouillé. L’âge prononce les plans. Dans l’exécution des maîtres, des différences qui en amènent dans le genre d’effet. Celle de Rubens, qui est formelle, sans mystères, comme Corrège et Titien, vieillit toujours, donne l’air plus vieux : ses nymphes sont de belles gaillardes de quarante-cinq ans ; dans ses enfants, presque toujours le même inconvénient.