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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

n’est nulle part dans la nature. Le lion cherche sa caverne ; le loup et le sanglier s’abritent dans l’épaisseur des forêts ; quelques animaux se font des demeures, mais ils ne sont guidés que par l’instinct ; ils ne savent ce que c’est de les modifier ou de les embellir. L’homme imite dans ses habitations la caverne et le dôme aérien des forêts ; dans les époques où les arts sont portés à la perfection, l’architecture produit des chefs-d’œuvre : à toutes les époques, le goût du moment, la nouveauté des usages introduisent des changements qui témoignent de la liberté du goût.

L’architecture ne prend rien dans la nature directement, comme la sculpture ou la peinture ; en cela elle se rapproche de la musique, à moins qu’on ne prétende que, comme la musique rappelle certains bruits de la création, l’architecture imite la tanière, ou la caverne, ou la forêt ; mais ce n’est pas là l’imitation directe, comme on l’entend en parlant des deux arts qui copient les formes précises que la nature présente.

Mardi 28 septembre. — Ce jour est le dernier où j’ai travaillé avant mon indisposition. Villot est tombé des nues chez moi, et sa visite m’a fait plaisir ; mais à partir de ce jour, j’ai été pris d’une langueur et d’un mal de gorge[1] qui m’a couché

  1. C’étaient les prodromes de cette maladie de larynx qui devait s’aggraver sous l’influence du tabac et l’emporter dix ans plus tard. Il avait toujours été extrêmement délicat de la gorge, et dans ses Souvenirs,