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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

jeune homme fort bienveillant, mais qui m’a fatigué, a partagé ma société. Il avait dîné avec moi en tête-à-tête. J’ai trouvé à Rouen Fau et sa petite fille.

— C’est d’après cette mer que j’ai fait une étude de mémoire : ciel doré, barques attendant la marée pour rentrer.

Paris, 15 septembre. — Sophocle, à qui on demandait si, dans sa vieillesse, il regrettait les plaisirs de l’amour[1], répondit : « L’amour ? Je m’en suis délivré de bon cœur comme d’un maître sauvage et furieux. »

Dimanche 19 septembre. — Dîné chez M. Guillemardet, à Passy, avec M. Talentino, employé par Demidoff.

Je travaille énormément, depuis mon retour de Dieppe, aux caissons de l’Hôtel de ville. Je ne vois personne. Je fais d’excellentes journées.

Lundi 20 septembre. — Sur l’architecture. C’est l’idéal même ; tout y est idéalisé par l’homme. La ligne droite elle-même est de son invention, car elle

  1. Voir notre Étude, p. xi, xii. À rapprocher du fragment de Baudelaire : « Sans doute il avait beaucoup aimé la femme aux heures agitées de sa jeunesse. Qui n’a pas trop sacrifié à cette idole redoutable ? Et qui ne sait que ce sont justement ceux qui l’ont le mieux servie qui s’en plaignent le plus ? Mais longtemps déjà avant sa fin, il avait exclu la femme de sa vie. Musulman, il ne l’eût peut-être pas chassée de la mosquée, mais il se fût étonné de l’y voir entrer, ne comprenant pas bien quelle sorte de conversation elle peut tenir avec Allah. » (Baudelaire, L’Art romantique. L’Œuvre et la vie d’Eugène Delacroix.)