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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Déjeuné vers une heure et demie, contre mon habitude. — Habillé et sorti. — J’ai été finir mes emplettes chez l’ivoirier et ai passé mon temps délicieusement jusqu’à dîner, au pied des falaises.

La mer était basse et m’a permis d’aller fort loin sur un sable qui n’était pas trop humide. J’ai joui délicieusement de la mer ; je crois que le plus grand attrait des choses est dans le souvenir qu’elles réveillent dans le cœur ou dans l’esprit, mais surtout dans le cœur. Je pense toujours à Bataille, à Valmont[1], quand je m’y suis trouvé pour la première fois, il y a tant d’années… Le regret du temps écoulé, le charme des jeunes années, la fraîcheur des premières impressions agissent plus sur moi que le spectacle même. L’odeur de la mer, surtout à marée basse, qui est peut-être son charme le plus pénétrant, me remet, avec une puissance incroyable, au milieu de ces chers objets et de ces chers moments qui ne sont plus.

Dimanche 12 septembre. — Très belle journée : le soleil de bonne heure. J’avais devant mes fenêtres les bâtiments pavoisés.

    parait dans ce Journal. On lira plus loin les jugements les plus sévères sur l’œuvre du romancier.

  1. Delacroix évoque ici des souvenirs d’enfance et de jeunesse. À ce propos, M. Riesener dit dans ses notes : « A Valmont, en Normandie, nous avons passé quelques vacances. Tantôt il était tout feu pour le travail, et faisait des aquarelles délicieuses qui ont été vues à sa vente ; tantôt, ne pouvant s’y mettre, il se mettait à mouler avec passion des figurines qui ornent les tombeaux des moines d’Estouteville, fondateurs de l’abbaye de Valmont. »