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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Goubaux me disait que Talma lui avait raconté qu’il notait toutes ses inflexions, indépendamment de la prononciation des mots. C’était un fil conducteur qui l’empêchait de dévier quand il était moins inspiré. Cette espèce de musique, une fois dans sa mémoire, ramenait toutes les intonations dans un cercle dont il ne serait pas sorti sans péril de s’égarer et d’être entraîné trop loin ou à faux.

30 avril. — Au conseil municipal, pour parler pour la bourse du fils de Roehn[1].

Mercredi 5 mai. — Parti pour Champrosay.

J’ai donné congé à Andrieu au commencement de la semaine.

Tombé au milieu du déménagement qui a été mis en ordre le lendemain. L’habitation me plaît, et le bon propriétaire empressé à me plaire.

— Il faut ébaucher le tableau comme serait le sujet par un temps couvert, sans soleil, sans ombres tranchées. Il n’y a radicalement ni clairs ni ombres. Il y a une masse colorée pour chaque objet, reflétée différemment de tous côtés. Supposez que, sur cette scène, qui se passe en plein air par un temps gris, un rayon de soleil éclaire tout à coup les objets : vous aurez des clairs et des ombres comme on l’entend, mais ce sont de purs accidents. La vérité profonde, et qui peut paraître singulière, de ceci est toute l’entente de

  1. Roehn (1799-1864), peintre, élève de Gros et auteur d’un grand nombre de tableaux de genre.