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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Saint-Sulpice, entré à Saint-Germain, où j’ai vu les barbouillages gothiques dont on couvre les murs de cette malheureuse église. Confirmation de ce que je disais à mon ami : j’aime mieux les imaginations de Luna que les contrefaçons de Baltard, Flandrin et Cie[1].

Mardi 6 avril. — Ébauché les trois autres pendentifs.

Rencontré Cousin en revenant et toujours sur le quai.

Mercredi 7 avril. — Les animaux ne sentent pas le poids du temps. L’imagination, qui a été donnée à l’homme pour sentir les beautés, lui procure une foule de maux imaginaires ; l’invention des distractions, les arts qui remplissent les moments de l’artiste qui exécute, charment les loisirs de ceux qui ne font que jouir de ces productions. La recherche de la nourriture, des courts moments de la passion animale, de l’allaitement des petits, de la construction des nids ou des tanières, sont les seuls travaux que la nature ait imposés aux animaux. L’instinct les y pousse, aucun calcul ne les y dirige. L’homme porte le poids de ses pensées aussi bien que celui des misères natu-

  1. Les principes d’esthétique de l’architecte Baltard, qui dirigeait la décoration de Saint-Germain des Prés, le rapprochaient de Flandrin, pour lequel personne n’ignore que Delacroix professait la plus profonde des antipathies.