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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

a d’influence sur le physique. Je citais le trait de l’Athénien qui expira en apprenant la victoire de Platée (je crois), des soldats français à Malplaquet, et mille autres ! C’est d’un grand poids en faveur de l’élévation de l’âme humaine, et je ne vois pas ce qu’on peut y répondre. Quelle exaltation les trompettes et surtout les tambours battant la charge !

7 septembre. — J’ai lu dans le jardin des passages de Corinne[1] sur la musique italienne qui m’ont fait plaisir ; elle décrit aussi le Miserere du vendredi saint :

« Les Italiens, depuis des siècles, aiment la musique avec transport. Le Dante dans le poème du Purgatoire rencontre un des meilleurs chanteurs de son temps ; il lui demande un de ses airs délicieux, et les âmes ravies s’oublient en l’écoutant jusqu’à ce que leur gardien le rappelle »

(sujet admirable de tableau)

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« La gaieté même que la musique bouffe sait si bien exciter n’est point une gaieté vulgaire qui ne dit rien à l’imagination ; au fond de la joie qu’elle donne, il y a des sensations poétiques, une agréable rêverie que les plaisanteries parlées ne sauraient
  1. Dès les premières années de son développement, Delacroix consacrait à la lecture tout le temps que ses travaux lui laissaient libre. Dans une lettre à Pierret du 30 août 1822, il écrivait : « Je n’ai jamais autant qu’à présent éprouvé de vifs élans à la lecture des bonnes choses ; une bonne page me fait pour plusieurs jours une compagnie délicieuse. » (Corresp., t. I, p. 90.)