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XXXV
EUGÈNE DELACROIX.

peut trouver chez lui des recettes de métier, un souci constant de la technique, de précieux conseils pour les spécialistes ; en revanche, dès qu’il tente de s’élever à des préoccupations plus hautes, dès qu’il aborde ce que Delacroix appelait la partie « intellectuelle » de l’art, on saisit tout de suite le danger que courent certains artistes en pénétrant dans un domaine qui leur demeurera à jamais inaccessible, car leur incompétence n’y a d’égale que leur désinvolture, laquelle, ainsi que l’écrivait M. Mantz à propos de ce même Couture jugeant Delacroix, « dépasse peut-être les limites du comique ordinaire ». Chez l’artiste dont nous tentons d’analyser l’esprit, chez Delacroix, nous rencontrons le genre de mérite propre aux deux précédents sans apercevoir les lacunes ou les insuffisances que nous signalions. Chaque fois qu’il traite une question de métier, c’est avec la compétence d’un peintre de race ; mais comme chez lui l’exécution est toujours subordonnée à l’idée, il reste constamment supérieur à son sujet par l’élévation et la diversité des points de vue ; partout et toujours il demeure peintre, c’est-à-dire qu’en aucune circonstance il ne tente d’introduire dans son art des moyens qui lui soient étrangers ; pourtant jamais en lui le peintre n’étouffe l’artiste, l’homme d’éducation générale et d’inspiration soutenue. Ajoutons que la plupart de ses réflexions sur la peinture ont été écrites après l’année 1850, alors qu’il était dans la pleine maturité du talent, et qu’elles empruntent à ce simple fait une autorité singulière.

Écoutez-le quand il parle de la composition d’un tableau, de l’art de « conduire ce tableau depuis l’ébauche jusqu’au fini ». On sait qu’il n’admettait pas qu’une com-