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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

31 janvier. — « Ne négligez rien de ce qui peut vous faire grand », m’écrivait le pauvre Beyle[1].

— Cette réflexion [au 20 février] me fait surmonter l’ennui de me déranger pour aller en Belgique.

Lundi 4 février. — Faire à Saint-Sulpice[2] des cadres de marbre blanc, autour des tableaux ; ensuite

  1. Il ne paraît point que les relations aient été très suivies entre Stendhal et Delacroix. Stendhal en 1824 avait écrit un « Salon » dans le Journal de Paris et des départements, Salon qui fut réimprimé dans les Mélanges d’art et de littérature. Il n’avait pas été perspicace en ce qui touche le talent du peintre, car il y déclarait qu’il ne pouvait admirer ni l’auteur ni l’ouvrage ; il parlait des Massacres de Scio. Pourtant il le rapproche de Tintoret, ce qui n’est point un médiocre compliment, et il conclut en disant : « M. Delacroix a toujours cette immense supériorité sur tous les auteurs de grands tableaux qui tapissent les grands salons, qu’au moins le public s’est beaucoup occupé de ses ouvrages. »
  2. Pour l’inauguration de la chapelle, Delacroix envoya une invitation datée du 29 juin 1861. Il expose ainsi les sujets de la décoration :
    « M. Delacroix vous prie de vouloir bien lui faire l’honneur de visiter les travaux qu’il vient de terminer, dans la chapelle des Saints-Anges, à Saint-Sulpice. Ces travaux seront visibles au moyen de cette lettre, depuis le mercredi 21 juin jusqu’au 3 août inclusivement, de une à cinq heures de l’après-midi. Première chapelle à droite en entrant par le grand portail.
    Plafond. L’archange saint Michel terrassant le démon.
    Tableau de droite. Héliodore chassé du temple. S’étant présenté avec ses gardes pour en enlever les trésors, il est tout à coup renversé par un cavalier mystérieux : en même temps, deux envoyés célestes se précipitent sur lui et le battent de verges avec furie, jusqu’à ce qu’il soit rejeté hors de l’enceinte sacrée.
    Tableau de gauche. La lutte de Jacob avec l’anqe. Jacob accompagne les troupeaux et autres présents à l’aide desquels il espère fléchir la colère de son frère Ésaü. Un étranger se présente qui arrête ses pas et engage avec lui une lutte opiniâtre, laquelle ne se termine qu’au moment où Jacob, touché au nerf de la cuisse par son adversaire, se trouve réduit à l’impuissance. Cette lutte est regardée par les Livres saints comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelquefois à ses élus.  »

    (Voir Corresp., t. II, p. 200 et 201.)