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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Mardi 16 octobre. — J’ai été seul avant déjeuner sur la route de Fécamp. J’ai voulu grimper dans le petit bois à gauche et dans les jolies prairies où sont les sapins. Arrêté par les haies et les clôtures, à chaque pas. Le peuple qui sera toujours en majorité, se trompe en croyant que les grandes propriétés n’ont pas une grande utilité ; c’est aux pauvres gens qu’elles sont utiles, et le profit qu’ils en retirent n’appauvrit pas les riches, qui les laissent profiter de petites aubaines qu’ils y trouvent.

Le laisser-aller du bon cousin faisait le bonheur des pauvres ramasseurs de fougère et de branches sèches ; les petits bourgeois enrichis s’enferment chez eux et barricadent partout les avenues. Les pauvres, privés complètement de ce côté, ne profitent même pas des droits dérisoires que leur donne l’État républicain.

Bornot me donnait, à déjeuner, le résultat de l’élection pour un député dans le canton. Sur 4,360 inscrits, à peine 1,600 ont pris part au vote. A Limpiville, personne ne se présentait ; le maire désolé a appelé les citoyens par toutes les manières. Dans d’autres communes, c’était à peu près de même, et cependant le vote a lieu le dimanche.

En revenant, déjeuné. J’ai traversé la vallée vers le moulin, qui est à cheval sur la rivière, qu’on passe sur une planche. Revu le chemin qu’on prenait si souvent derrière le lavoir ; là, les bois de B… enceints encore d’un fossé. Nouvelles réflexions analogues à celles ci-dessus. Le chemin, à partir du lavoir pour