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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

médiocres… J’ai été confirmé avec plaisir dans cette opinion, en comparant le portrait de ma vieille tante[1] avec ceux de l’oncle Riesener. Il y a déjà, dans cet ouvrage d’un commençant, une sûreté et une intelligence de l’essentiel, même une touche pour rendre tout cela qui frappait Gaultron lui-même. Je n’attache d’importance à ceci que parce que cela me rassure… Une main vigoureuse, disait-il, etc.

— Le temps est tout à fait beau : nous avons été à Saint-Pierre[2], à travers la vallée.

Revu, en y allant, Angerville, où je suis venu, il y a tant d’années, avec ma bonne mère, ma sœur, mon neveu, le cousin,… tous disparus ! Cette petite maison est toujours là, comme la mer que l’on voit de là, et qui y sera encore à son tour, quand la maison aura disparu.

Nous sommes descendus à la mer par un chemin à droite, que je ne connaissais pas ; c’est la plus belle pelouse en pente douce que l’on puisse imaginer. L’étendue de mer que l’œil embrasse de la hauteur est des plus considérables. Cette grande ligne bleue, verte, rose, de cette couleur indéfinissable qui est celle de la vaste mer, me transporte toujours. Le bruit intermittent qui arrive déjà de loin et l’odeur saline enivrent véritablement.

  1. Anne-Françoise Delacroix, qui épousa Louis-Cyr Bornot, était la grand’tante d’Eugène Delacroix. Celui-ci avait fait le portrait de sa vieille parente, en 1818, quand il n’avait pas encore vingt ans. (Voir Catalogue Robaut, no 1460.)
  2. Saint-Pierre en Port.