Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Vers trois heures au Musée, pour mettre la petite retouche à mon tableau. Vu le tableau de Cœdès[1], qui m’a fait le plus grand plaisir : il y a mille études à en faire.

Villot m’a fait remarquer dans la grande salle française la supériorité que témoigne une telle École. Très frappé surtout de Gros et principalement de la Bataille d’Eylau ; tout m’en plaît à présent. Il est plus maître que dans Jaffa ; l’exécution est plus libre.

Dans la grande galerie, admiré les Rubens : sa figure de la Victoire placée dans lavant-dernier tableau. Comme cette figure tranche sur les autres ! les jambes même semblent faites par un autre que le maître ; le soin s’y montre ; mais la sublime tête en feu et le bras plié,… tout cela est le génie même.

Les Sirènes également ne m’ont jamais semblé si belles. L’abandon seul et l’audace la plus complète peuvent produire de semblables impressions.

Vu le Christ ressuscitant, du Carrache. Le terne et le poids de cette peinture m’ont fait voir ce que le sujet a de beau. L’ange, les yeux brillants comme un éclair, écartant la pierre ; le Christ éblouissant de lumière, s’élançant du sein de la mort, et les gardes renversés de tous côtés.

Samedi 2 juin. — Mme de Querelles m’a dit qu’elle avait vu chez un doreur le petit Arabe à cheval arri-

  1. Louis-Eugine Cœdès, peintre, né en 1810, mort en 1868. Il exposa au Salon de 1861.