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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sale, quoique le dimanche. Jamais un pareil lieu ne réunira une élite de connaisseurs.

La divine symphonie par ton la entendue avec bonheur, mais avec un peu de distraction, à cause du manque de recueillement de mes voisins. Le reste consacré à des virtuoses qui m’ont fatigué et ennuyé.

J’ai osé remarquer que les morceaux de Beethoven sont en général trop longs, malgré l’étonnante variété qu’il introduit dans la manière dont il fait revenir les mêmes motifs. Je ne me rappelle pas, du reste, que ce défaut me frappât autrefois dans cette symphonie ; quoi qu’il en soit, il est évident que l’artiste nuit à son effet en occupant trop longtemps l’attention.

La peinture, entre autres avantages, a celui d’être plus discrète ; le tableau le plus gigantesque se voit en un instant. Si les qualités de certaines parties attirent l’admiration, à la bonne heure : on peut s’y complaire plus longtemps même que sur un morceau de musique. Mais si le morceau vous paraît médiocre, il suffit de tourner la tête pour échapper à l’ennui. Le jour du concert de Prudent, l’ouverture de la Flûte enchantée m’a paru non seulement ravissante, mais d’une proportion parfaite. Doit-on dire qu’avec le progrès de l’instrumentation, il arrive plus naturellement au musicien la tentation d’allonger des morceaux pour amener des retours d’effets d’orchestre qu’il varie à chaque fois qu’il nous les remontre ?

Il ne faut jamais compter comme un dérangement le temps donné à un concert, pourvu qu’il y ait seu-