30 avril. — J’essaye de travailler et j’éprouve toujours cette irritation intérieure ; il faut de la patience.
Vers trois heures j’ai été chez Mme Delessert : je l’ai trouvée changée. Je suis parti avec elle : elle m’a déposé chez Souty[1], où j’ai été voir le tableau de Susanne, attribué à Rubens. C’est un Jordaens des plus caractérisés et un magnifique tableau.
On voit là quelques tableaux modernes, qui font une triste figure à côté du flamand. Ce qui attriste dans toutes ces malheureuses toiles, c’est l’absence absolue de caractère ; on voit dans chacun celui qu’ils ont voulu se donner, mais rien ne porte un cachet ; il faut en excepter l’Allée d’arbres, de Rousseau, qui est une œuvre excellente dans beaucoup de parties ; le bas est parfait ; le haut est d’une obscurité qui doit tenir à quelques changements ; le tableau tombe par écailles. — Il y a un tableau de Cottreau[2], déplorable : la tête d’un certain sultan qui rit est l’ouvrage du plus sot des hommes, et il s’en faut bien que l’auteur soit cela. Pourquoi a-t-il choisi une profession dans laquelle son esprit lui est inutile ?
Le Jordaens est un chef-d’œuvre d’imitation, mais d’imitation large et bien entendue, comme peinture. Voici un homme qui fait bien ce qu’il est propre à faire !… Que les organisations sont diverses ! Cette