Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

banale, sur ce vestibule de palais, où tout se passe chez nos tragiques et dans Molière. Ils veulent de l’art sans convention préalable. Ces prétendues invraisemblances ne choquaient personne ; mais ce qui choque horriblement, c’est, dans leurs ouvrages, ce mélange d’un vrai à outrance que les arts repoussent, avec les sentiments, les caractères ou les situations les plus fausses et les plus outrées… Pourquoi ne trouvent-ils pas qu’une gravure ou qu’un dessin ne représente rien, parce qu’il y manque la couleur ?… S’ils avaient été sculpteurs, ils auraient peint les statues et les auraient fait marcher par des ressorts, et ils se seraient crus beaucoup plus près de la vérité.

27 avril. — Barroilhet[1] venu : il a envie du Lion et l’Homme, justement parce que je ne peux le lui donner. Il voudrait quelque chose dans ce genre ; je l’ai accompagné jusque chez lui, en allant vers midi chez J… J’y ai fait un petit second déjeuner, et ai été ramené vers deux heures.

Revu une dernière fois le portrait de Joséphine de Prud’hon[2]. Ravissant, ravissant génie ! Cette poitrine avec ses incorrections, ces bras, cette tête, cette

  1. Barroilhet, le célèbre chanteur, qui remporta tant de succès sur les scènes italiennes et à l’Opéra, était un amateur de tableaux modernes ; on l’a vu réunir et vendre à plusieurs reprises des collections importantes. Delacroix a peint une étude d’après cet artiste en costume turc, tout en rouge et en pied. (Voir Catalogue Robaut, no 173.)
  2. Portrait de Joséphine assise sur le gazon du parterre de la Malmaison.