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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

accélérer la circulation ; aussi, le lendemain, je n’ai rien fait. L’estomac dérangé commande en maître, mais en maître bien indigne de régner, car il remplit mal ses fonctions, et arrête tout le reste.

9 février. — Donc mal disposé.

— Venu Demay[1]. Pendant qu’il y était, M. Haussoullier[2]. Tous les jeunes gens de cette école d’Ingres ont quelque chose de pédant ; il semble qu’il y ait déjà un très grand mérite de leur part à s’être rangé du parti de la peinture sérieuse : c’est un des mots du parti. Je disais à Demay qu’une foule de gens de talent n’avaient rien fait qui vaille, à cause de cette foule de partis pris qu’on s’impose ou que le préjugé du moment vous impose. Ainsi, par exemple, de cette fameuse beauté, qui est, au dire de tout le monde, le but des arts ; si c’est l’unique but, que deviennent les gens qui, comme Rubens, Rembrandt, et généralement toutes les natures du Nord, préfèrent d’autres qualités ? Demandez la pureté, la beauté, en un mot, au Puget, adieu sa verve !… Développer tout cela. … En général, les hommes du Nord y sont moins portés ; l’Italien préfère l’ornement ; cela se retrouve dans la musique.

Vu Don Juan[3] le soir. Sensation pareille, en voyant

  1. Jean-François Demay, peintre, né en 1798, qui exposa aux divers Salons de 18-27 à 1846.
  2. Haussoullier, peintre et graveur, élève de Delaroche.
  3. En 1847, Don Juan était chanté au théâtre Italien par Lablache, Tagliafico, Coletti, Mario, Mme Grisi, Persiani et Corburi.