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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Je commence alors à ébaucher le Christ au tombeau (toile de 100), le ciel seulement[1].

Rivet[2] est arrivé à quatre heures. J’ai été heureux de le voir, et sa prévenance m’a charmé. Nous avons été bientôt comme autrefois. Je le trouve changé, et ce changement m’afflige. Il est très satisfait de mon article sur Prud’hon[3].

Resté le soir chez moi. Situation d’esprit mélancolique, si je puis dire, et point triste. Les diverses personnes que j’ai vues aujourd’hui ont causé sans doute cet état.

J’ai fait d’amères réflexions sur la profession d’artiste ; cet isolement, ce sacrifice de presque tous les sentiments qui animent le commun des hommes.

4 février. — Au moment de partir pour la Chambre des députés, M. Clément de Ris[4] est venu : aimable jeune homme. Laurent Jan est survenu ; j’ai frémi en le voyant ramasser le gant aussitôt, sur quelques

  1. Voir Catalogue Robaut, no 1034.
  2. « Le baron Charles Rivet, qui de nos jours a attaché son nom à la fondation de la troisième république, demeura un des fidèles amis de cœur de Delacroix. Celui-ci, dans un premier testament que lui fit déchirer sa gouvernante, Jenny Le Guillou, l’avait désigné comme son légataire universel. C’était un homme de grand sens et de mœurs aimables. Il avait été plus que camarade d’atelier de Bonington : il l’avait obligé avec infiniment de délicatesse dans son année de début et de gêne. « (Note de Ph. Burty dans la Correspondance de Delacroix, t. I, p. 127.)
  3. Cet article sur Prud’hon, qui avait paru dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1846, est un des plus intéressants du volume qui contient les écrits de Delacroix. (Eugène Delacroix, Sa vie et ses œuvres.)
  4. Le comte L. Clément de Ris, critique d’art, auteur d’ouvrages appréciés, qui devint conservateur du Musée de Versailles