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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tion, qui fut présentée au Sénat comme le vœu de l’armée. Cambacérès était contre. Fouché, voulant également rentrer en grâce, se remua beaucoup. Le Sénat imita dans cette circonstance l’exemple du Sénat de Rome, dans le temps des empereurs… Ils s’empressaient de nommer à l’avance celui qu’ils voyaient sur le point de l’être par les soldats.

25 janvier. — L’influence des lignes principales est immense dans une composition.

J’ai sous les yeux les Chasses de Rubens ; une entre autres, celle aux lions, gravée à l’eau-forte par Soutman, où une lionne s’élançant du fond du tableau est arrêtée par la lance d’un cavalier qui se retourne ; on voit la lance plier en s’enfonçant dans le poitrail de la bête furieuse. Sur le devant, un cavalier maure renversé ; son cheval, renversé également, est déjà saisi par un énorme lion, mais l’animal se retourne avec une grimace horrible vers un autre combattant étendu tout à fait par terre, qui, dans un dernier effort, enfonce dans le corps du monstre un poignard d’une largeur effrayante ; il est comme cloué à terre par une des pattes de derrière de l’animal, qui lui laboure affreusement la face en se sentant percer. Les chevaux cabrés, les crins hérissés, mille accessoires, les boucliers détachés, les brides entortillées, tout cela est fait pour frapper l’imagination, et l’exécution est admirable. Mais l’aspect est confus, l’œil ne sait où se fixer, il a le sentiment d’un affreux désordre ; il