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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

occupés par des brocanteurs ; toute une famille logée dans une échoppe, qui est à la fois la boutique, la cuisine, la chambre à coucher.

— Cabinet d’histoire naturelle public.

Éléphants, rhinocéros, hippopotames, animaux étranges ! Rubens l’a rendu à merveille. J’ai été pénétré, en entrant dans cette collection, d’un sentiment de bonheur. À mesure que j’avançais, ce sentiment augmentait ; il me semblait que mon être s’élevait au-dessus des vulgarités ou des petites idées, ou des petites inquiétudes du moment. Quelle variété prodigieuse d’animaux, et quelle variété d’espèces, de formes, de destination ! À chaque instant, ce qui nous paraît la difformité à côté de ce qui nous semble la grâce. Ici les troupeaux de Neptune, les phoques, les morses, les baleines, l’immensité du poisson, à l’œil insensible, à la bouche stupidement ouverte ; les crustacés, les araignées de mer, les tortues ; puis la famille hideuse des serpents, le corps énorme du boa, avec sa petite tête ; l’élégance de ses anneaux roulés autour de l’arbre ; le hideux dragon, les lézards, les crocodiles, les caïmans, le gavial monstrueux, dont les mâchoires deviennent tout à coup effilées et terminées à l’endroit du nez par une saillie bizarre. Puis les animaux qui se rapprochent de notre nature : les innombrables cerfs, gazelles, élans, daims, chèvres, moutons, pieds fourchus, têtes cornues, cornes droites, tordues en anneaux ; l’aurochs, race bovine ; le bison, les droma-