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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qu’on sût de quel côté et sans révéler ces profondes combinaisons qui tenaient en éveil l’attention publique.

— J’établis que, en général, ce ne sont pas les plus grands poètes qui prêtent le plus à la peinture ; ceux qui y prêtent le plus sont ceux qui donnent une plus grande place aux descriptions. La vérité des passions et du caractère n’y est pas nécessaire. Pourquoi l’Arioste, malgré des sujets très propres à la peinture, incite-t-il moins que Shakespeare et lord Byron, par exemple, à représenter en peinture ses sujets ? Je crois que c’est, d’une part, parce que les deux Anglais, bien qu’avec quelques traits principaux qui sont frappants pour l’imagination, sont souvent ampoulés et boursouflés. L’Arioste, au contraire, peint tellement avec les moyens de son art, il abuse si peu du pittoresque, de la description interminable ; on ne peut rien lui dérober. On peut prendre d’un personnage de Shakespeare l’effet frappant, l’espèce de vérité pittoresque de son personnage, et y ajouter, suivant ses facultés, un certain degré de finesse ; mais l’Arioste !…

— Les Bretons croient que le singe est l’ouvrage du diable. Celui-ci, après avoir vu l’homme, création de Dieu, croit pouvoir, à son tour, créer un être à mettre en parallèle, mais il n’arrive qu’à une créature ébauchée et hideuse, emblème de l’impuissance orgueilleuse.

— Walter Scott dit, dans une lettre écrite peu