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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

autres peintres, sans en excepter Michel-Ange et Raphaël, ont dessiné d’instinct, de fougue, et ont trouvé la grâce à force d’en être frappés dans la nature ; mais ils ne connaissaient pas le secret de X…[1] : la justesse de l’œil. Ce n’est pas au moment de l’exécution qu’il faut se bander à l’étude avec des mesures, des aplombs, etc. ; il faut de longue main avoir cette justesse qui, en présence de la nature, aidera de soi-même le besoin impétueux de la rendre. Wilkie[2] aussi a le secret. Dans les portraits, indispensable. Quand par exemple on a fait des ensembles avec cette connaissance de cause, qu’on sait pour ainsi dire les lignes par cœur, on pourrait en quelque sorte les reproduire géométriquement sur le tableau. Portraits de femme surtout ; il est nécessaire de commencer par la grâce de l’ensemble. Si vous commencez par les détails, vous serez toujours lourd. Témoin, ayez à dessiner un cheval fin, si vous vous laissez

    hauteurs, et placée à une certaine distance d’une vitre. A travers l’ouverture, on regarde la partie du paysage que l’on a devant soi et on n’a plus qu’à calquer les lignes telles qu’on les voit à travers la vitre. Au lieu d’un crayon gras, qu’on ne connaissait peut-être pas jadis, on pouvait se servir d’une plume et d’encre.

  1. Ici le même nom aussi soigneusement biffé.
  2. Delacroix écrivait de Londres en 1825 : « J’ai été chez M. Wilkie, et je ne l’apprécie que depuis ce moment. Ses tableaux achevés m’avaient déplu, et dans le fait ses ébauches et ses esquisses sont au-dessus de tous les éloges. Comme tous les peintres de tous les âges et de tous les pays, il gâte régulièrement ce qu’il fait de beau. » — Et encore : « J’ai vu chez Wilkie une esquisse de Knox le puritain prêchant devant Marie Stuart. Je ne peux t’exprimer combien c’est beau, mais je crains qu’il ne la gâte ; c’est une manie fatale. » (Corresp. t. I, p. 100 et 103.)