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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

jesté qui manque chez nous dans les circonstances les plus graves : l’usage des femmes d’aller le vendredi sur les tombeaux avec des rameaux qu’on vend au marché, les fiançailles avec la musique, les présents portés derrière les parents, le couscoussou, les sacs de blé sur les mules et sur les ânes, un bœuf, des étoffes sur des coussins.

Ils doivent concevoir difficilement l’esprit brouillon des chrétiens et leur inquiétude qui les porte aux nouveautés. Nous nous apercevons de mille choses qui manquent à ces gens-ci. Leur ignorance fait leur calme et leur bonheur ; nous-mêmes sommes-nous à bout de ce qu’une civilisation plus avancée peut produire.

Ils sont plus près de la nature de mille manières : leurs habits, la forme de leurs souliers. Aussi la beauté s’unit à tout ce qu’ils font. Nous autres, dans nos corsets, nos souliers étroits, nos gaines ridicules, nous faisons pitié. La grâce se venge de notre science.

VOYAGE EN ESPAGNE

Le 16 mai au soir, après une ennuyeuse quarantaine de sept jours, obtenu l’entrée à Cadix ; joie extrême.

Les montagnes à l’opposé de la baie très distinctes et de belle couleur. En approchant, les maisons de Cadix blanches et dorées sur un beau ciel bleu.