Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
V
EUGÈNE DELACROIX.

me va mieux que des articles ex professo. » Ces paroles ne suffiraient-elles pas à justifier, s’il en était besoin, le principe même d’une telle publication ? Quant à la seconde partie du Journal, l’élévation constante de pensée, la préoccupation presque exclusive de l’art, enfin le souci de la forme, nous permettent d’avancer qu’il aurait eu bien peu de chose à faire pour la mener à perfection. À ce propos, nous tenons de Mme Riesener, veuve du peintre qui fut parent de Delacroix, un trait marquant à quel point il se souciait de l’effet que pourraient produire ses écrits. Un après-midi, — c’était dans les dernières années de la vie du maître, — Mme Riesener étant allée le voir à son atelier avec son mari, Delacroix leur montra un cahier manuscrit entr’ouvert : « C’est là-dessus, leur dit-il, que je note chaque jour mes impressions sur les hommes et les choses ; j’ai une réelle facilité pour écrire, et d’ailleurs je fais grande attention, car, maintenant qu’on a la manie de garder, pour les publier plus tard, les moindres autographes des hommes en vue, je soigne même ma correspondance. » Il est manifeste qu’il existe une différence de forme entre les premières et les dernières années du Journal. Lorsque les lecteurs auront sous les yeux toutes les pièces du procès, ils pourront le juger et marqueront leur préférence. Pour nous, si nous reconnaissons la supériorité des dernières années au point de vue littéraire, nous ne saurions nous empêcher de professer à l’égard des premières une tendresse toute spéciale de pur psychologue.

Bien que le Journal et les papiers de famille consultés ne nous apprennent rien de nouveau sur l’enfance et la jeunesse d’Eugène Delacroix, nous ne pouvons