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IV
EUGÈNE DELACROIX.

Que penser en particulier du Journal d’Eugène Delacroix ? Chaque fois que l’on procède à une publication de cette nature, il convient, tout en conservant pieusement à l’œuvre son caractère d’intégralité, de se substituer dans la mesure du possible à l’artiste lui-même, et, par un effort d’imagination sympathique, de se demander comment il la ferait, vivant encore, ou même s’il la ferait. C’est là d’ailleurs un point de vue de pure curiosité qui, suivant nous, ne saurait avoir d’influence sur la présentation de l’ouvrage, car nous n’admettons pas qu’en cette matière, et d’autant mieux qu’il s’agit d’un très grand homme comme Eugène Delacroix, une main quelconque vienne, sous prétexte d’ordre ou de convenance, arranger et disposer à sa guise. De tels documents doivent être acceptés tels qu’ils sont : il faut les prendre ou les laisser, il n’est pas permis d’y toucher. Mais revenons à notre question : de la lecture de l’ensemble, il nous paraît résulter que Delacroix eût retouché et présenté peut-être de manière différente les premières années du Journal : on y trouve, en effet, des négligences de style qui n’étaient pas dans le génie du maître. Non qu’il fût de parti pris hostile aux écrits dépourvus de plan ; bien au contraire, on lit dans une page de l’année 1850 ce curieux passage : « Pourquoi ne pas faire un petit recueil d’idées détachées qui me viennent de temps en temps toutes moulées et auxquelles il serait difficile d’en coudre d’autres ?… Faut-il absolument faire un livre dans toutes les règles ? Montaigne écrit à bâtons rompus… Ce sont les ouvrages les plus intéressants. » Et plus tard, en 1853 : « F… me conseille d’imprimer comme elles sont mes réflexions, pensées, observations, et je trouve que cela