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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

autres : « Je suis laid », pour qu’on n’ait pas l’air de l’avoir découvert avant lui.

Dufresne est vrai, je pense, parce qu’il a fait le tour du cercle ; il a dû commencer par être affecté, quand il n’était qu’à demi éclairé. Il est vrai, parce qu’il voit la sottise de ne pas l’être. Il avait, je suppose, toujours assez d’esprit pour chercher à déguiser des faiblesses. À présent, il préfère ne pas les avoir, et il s’en accusera de meilleur cœur, pensant à peine les avoir, qu’il ne prenait soin de les cacher quand il les sentait en lui. Je n’ai pas encore avec lui cette candeur et cette sérénité que je me trouve avec ceux dont j’ai l’habitude ; je ne suis pas assez son ami encore pour être d’un avis tout à fait opposé au sien, ou pour écouter négligemment ou ne pas au moins feindre d’avoir attention quand il me parle. Si je consulte et que je cherche le fond, peut-être y a-t-il, — et c’est sûr, — cette crainte de passer pour un homme de moindre esprit, si je ne pense pas comme lui. Sottise ridicule ! Quand tu serais sûr de lui en imposer, est-il rien de plus dur qu’une contenance incessamment mensongère ? C’est un homme après tout, et respecte-toi avant tout. C’est se respecter qu’être sans voile et franc.

Mardi 8 juin. — Travaillé beaucoup : la femme, le cheval, tout ce coin, les deux enfants. Édouard venu et très satisfait. — Leblond le soir. — Henry a chanté et nous a fait plaisir.