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II
EUGÈNE DELACROIX.

et la sincérité qu’on ne saurait avoir qu’envers soi-même, l’homme s’explique en découvrant l’intimité de son être, le penseur expose les vues originales que lui ont suggérées les hommes et les choses ; l’artiste enfin nous fait la confidence de ses plus chères théories d’art, de ses préférences et de ses antipathies, jugeant en toute impartialité ses contemporains, comme il a jugé les maîtres d’autrefois. Dire cela, c’est préciser en même temps les limites où nous devons nous tenir. Ce qui importe ici, en effet, ce n’est pas d’étudier son œuvre ; la chose a été faite, et magistralement : il suffit de citer les noms de Théophile Gautier, de Paul de Saint-Victor, de M. Mantz, de Baudelaire surtout, pour rappeler aux lettrés, aux curieux, les beaux et nombreux travaux composés soit du vivant, soit après la mort du peintre, dans lesquels ces écrivains éminents ont analysé le génie d’Eugène Delacroix et marqué sa place dans l’histoire de l’Art. Recommencer sur ce terrain serait s’exposer à des redites, risquer en outre d’ajouter peu de chose à ce qui a été écrit. L’important est de reconstituer l’homme et le penseur, de montrer à l’aide de ces documents l’universalité de son intelligence, de réunir en un faisceau serré les éléments épars de son individualité, de justifier en un mot aux yeux du lecteur l’importance historique de ces notes journalières, comme Delacroix en marquait à son propre point de vue l’intérêt, lorsqu’il écrivait : « Il me semble que je suis encore le maître des jours que j’ai inscrits, quoiqu’ils soient passés ; mais ceux que ce papier ne mentionne point, ils sont comme s’ils n’avaient point été. »

Il est une double manière pour un homme éminent de