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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

toute la journée avec chaleur. J’étais fatigué sur le soir. Retouché les jambes du jeune homme au coin et la vieille.

Retourné chez moi m’habiller et pris Fielding et Soulier ; dîné ensemble chez Rouget. Chez M. Guillemardet, m’informer de la santé de Louis. Chez Perpignan. Vu M. N…, fort amusant et intéressant. C’est encore un philosophe tant soit peu décourageant et qui sent le machiavélisme. Nous avons parlé de lord Byron et de ce genre d’ouvrages dramatiques qui captivent singulièrement l’imagination.

Mardi 27. — Discussions intéressantes sur le génie et les hommes extraordinaires chez Leblond.

Dimier pensait que les grandes passions étaient la source du génie ! Je pense que c’est l’imagination seule, ou bien, ce qui revient au même, cette délicatesse d’organes qui fait voir là où les autres ne voient pas, et qui fait voir d’une façon différente. Je disais même que les grandes passions jointes à l’imagination conduisent le plus souvent au dévergondage d’esprit, et Dufresne dit une chose fort juste : que ce qui faisait l’homme extraordinaire était radicalement une manière tout à fait propre à lui de voir les choses. Il l’étendait aux grands capitaines et enfin aux grands esprits de tous les temps et de tous les genres. Ainsi, point de règles pour ces grandes âmes : elles sont pour les gens qui n’ont que le talent qu’on acquiert. La preuve, c’est qu’on ne transmet pas cette faculté. Il disait :