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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


Dimanche gras, 29 février. — Pait l’autre jeune homme du coin, d’après le petit Nassau, et à lui donné 3 fr.

— Dîné chez la mère de Pierret.

— Henri Scheffer venu chez moi. Il m’a parlé de Dufresne comme d’un homme très distingué ; je l’ai jugé de même, je désire qu’il soit mon ami.

Lundi 1er mars. — Je n’ai point travaillé de la journée.

— J’ai dîné chez Mme. Guillemardet.

Vu Cicéri[1], Riesener, Leblond, Piron.

— Passé une triste soirée seul au café. Rentré à dix heures. Relu mes vieilles lettres.

Écrit à Philarète la lettre suivante :

« Je m’attends à te voir d’une surprise extrême : Lui ! m’écrire, un peintre : che improvisa novella !… et devine ce qui me fait t’écrire : c’est peut-être ce que tu cherches bien loin, tandis que le plus simple à imaginer ne te sera pas venu.
Je vous écris, mon ancien ami, par ce besoin que nous comprenions mieux autrefois. Mais nous sommes avancés l’un et l’autre dans cette carrière qui se défile à mesure sous nos pas. Certains sentiments deviennent ridicules. Les objets ou dédains philosophiques de nos
  1. Cicéri, peintre décorateur, né en 1782 ; encore enfant il dirigea l’orchestre du théâtre Séraphin et entra à dix-sept ans au Conservatoire. Obligé de renoncer à la carrière dramatique par un accident qui le rendit boiteux, il étudia le dessin sous la direction de l’architecte Bellange et la peinture de décors dans les ateliers de l’Opéra dont il fut bientôt nommé décorateur en chef. Il avait été chargé des décorations ornementales de la bibliothèque du Palais-Bourbon.