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JOURNAL D’EUGENE DELACROIX.
derez tout ? Cette pitié-là n’accommode pas un cœur aimant… mon cœur n’est pas si compatissant… Vous me méprisez donc ? »

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Ici je ne suis plus fou. — Socrate dit qu’il faut combattre l’amour par la fuite.

— Il faudrait lire Daphnis et Chloé : c’est un des motifs antiques qu’on souffre le plus volontiers.

— Ne pas perdre de vue l’allégorie de l’Homme de génie aux portes du tombeau, et de la Barbarie qui danse autour des fagots, dans lesquels les Omar musulmans et autres jettent livres, images vénérables et l’homme lui-même. Un œil louche l’escorte à son dernier soupir, et la harpie le retient encore par son manteau ou linceul. Pour lui, il se jette dans les bras de la Vérité, déité suprême : son regret est extrême, car il laisse l’erreur et la stupidité après lui, mais il va trouver le repos. On pourrait le personnifier dans la personne du Tasse : ses fers se détachent et restent dans les mains du monstre. La couronne immortelle échappe à ses atteintes et au poison qui coule de ses lèvres sur les pages du poème.

Samedi, mai 1823. — Je rentre d’une bonne promenade avec mon cher Pierret ; nous avons bien parlé de toutes ces bonnes folies qui nous occupent tant. Je suis possédé à présent de la fine tournure de la camériste de Mme ***. Depuis qu’elle est installée dans la maison, je la saluais amicalement.