curé, les deux autres médecins et M. de Soulanges. Ce dernier, en voyant sa fille reprendre ses esprits, eut dès ce moment toutes les peines du monde à modérer l’excès de sa joie. Après avoir laissé écouler un quart d’heure, pendant lequel Louise recouvra presque entièrement sa connaissance, M. de Soulanges, passant tout à coup des tourments de l’inquiétude au comble de l’espérance, s’échappa en quelque sorte de la chambre pour aller annoncer par toute la maison ce qu’il regardait déjà comme un symptôme certain de guérison.
Il ne parvint que trop facilement à faire accueillir une de ces fausses joies que l’on paye si cher. Dans son empressement indiscret, cet homme exagérait toujours son récit à mesure qu’il le répétait ; et il le faisait pour la dixième fois à quelques gens venus du village, lorsque M. de Lébis, aux oreilles de qui le bruit en était parvenu, quitta la retraite que lui avait donnée M. de Lonzac pour s’informer de la vérité.
Dès que le père de Louise aperçut Edmond, il l’embrassa en pleurant, et lui fit part de ce dont il venait d’être témoin. L’imagination du jeune de Lébis n’était pas moins active que celle de son futur beau-père ; mais elle s’exerçait dans une direction toute contraire. Loin de se laisser aller à la joie, sa première idée fut de demander ce que pensaient les médecins, question qui, sans blesser M. de Soulanges, lui fit cependant reconnaître ce qu’il y avait d’imprudent et de léger même dans ses discours.
Il y a des hommes, doués d’ailleurs d’une sensibilité très-réelle et d’une bonté incontestable, qui ne peuvent loger longtemps la douleur dans leur âme. Pour eux, c’est un hôte lourd et exigeant qu’ils mettent dehors, et dont ils se débarrassent sitôt qu’ils en trouvent l’occasion, sauf à l’héberger de nouveau quand il se représente. Ce pauvre M. de Soulanges ! le bruit de la respiration de sa fille l’avait rendu presque joyeux ; l’observation d’Edmond le replongea dans les inquiétudes.
Si les illusions flatteuses de M. de Soulanges avaient accru à mesure qu’il s’était éloigné de sa fille, la crainte de la re-