Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il serait difficile de faire comprendre à ceux dont l’âme n’a pas été tout à la fois pénétrée de respect envers Dieu et d’amour pour une noble créature, de quelle manière mystérieuse ces deux sentiments se combinent, se fortifient, et produisent enfin dans le cœur de celui qui les éprouve, l’espoir d’un bonheur aussi pur que durable, aussi délicieux que chaste. Nulle parole ne pourrait exprimer l’espoir immense et la joie sainte d’Edmond, en pensant que Louise, sa compagne future en ce monde, allait recevoir ce Dieu dans lequel leur amour mutuel, en se confondant bientôt, devait prendre un caractère de sainteté ineffable et une durée infinie.

Des espérances de même nature, mais modifiées par l’amour maternel, se mêlaient aux prières ardentes que madame de Soulanges faisait pour sa fille. Placée à quelque distance d’elle, elle ne soulevait de temps en temps ses paupières que pour prévoir toutes les circonstances qui pourraient rendre son assistance nécessaire à son enfant.

Pour M. le comte de Soulanges cette cérémonie était un triomphe. Dans son maintien, dans ses yeux éclataient une satisfaction et un bien-être que tous les efforts de sa volonté n’auraient pu contenir. Placé sur l’une des stalles dont il avait relevé la banquette, debout, souriant aux autres et à lui-même, il promenait son regard satisfait sur tous les assistants, en le reportant de temps à autre sur sa fille, comme s’il eût voulu justifier dans l’esprit de chacun la cause de sa joie et de son orgueil paternel. Le mélange pittoresque de la parure des dames et des paysannes accourues des villages voisins, flattait tout à la fois sa vanité et ses goûts un peu frivoles. Élégant dans ses manières, il trouvait moyen, tout en observant le respect dû au saint lieu, de faire, avec un léger sourire, un salut à toutes les personnes dont la présence à l’église était pour lui un témoignage de respect ou de politesse. Certain d’être aimé généralement, fier d’être le père de celle que tout le monde voulait voir en cette occasion, M. de Soulanges était au comble de la joie, et sa physionomie radieuse semblait réfléchir la satisfaction de tous les assistants.

Ce fut le bon curé qui officia ; ce fut lui qui, en voyant le