ma pauvre enfant pourrait être en état de communier à cette époque ; mais la chose était impossible, et l’est encore aujourd’hui. »
Après ces mots, madame de Soulanges pleura amèrement, et M. de Lébis saisit l’une de ses mains qu’il serra dans les siennes.
— Ah ! monsieur, reprit bientôt la comtesse en essuyant ses yeux, vous sentez tout ce qu’il y a de profond et de poignant dans mes inquiétudes... J’ai au moins la satisfaction, à présent, de vous avoir fait connaître un secret qu’il m’était bien pénible de vous avouer, mais que je ne devais pas vous taire plus longtemps. L’accomplissement des projets d’union que nous avons formés aujourd’hui pour vous avec ma fille est nécessairement subordonné à l’opinion que vous avez maintenant d’elle...
— Mais je puis vous assurer, madame...
— Écoutez, monsieur de Lébis ; il ne s’agit plus ici de céder à des égards de politesse, et encore moins de vous laisser aller aux illusions que le peu de grâces de ma fille pourrait entretenir dans votre esprit. Qui sait ? peut-être cette enfant a-t-elle une infirmité d’intelligence, comme d’autres ont une constitution physique imparfaite ou maladive. Le rachitisme de l’âme, monsieur, est un mal que l’on doit, bien plus craindre d’introduire dans les familles que la goutte ou la pulmonie ! Dieu m’est témoin que je n’aurais jamais voulu tromper personne ; mais à présent que je sais tout ce que votre âme a d’affectueux, d’élevé et de courage religieux, je regarde comme un devoir impérieux de vous prémunir contre les séductions passagères que ma fille peut exercer sur vous. Vous seul au monde, peut-être, pouvez écouter et comprendre entièrement les paroles que je vais vous dire. Mais il n’est que trop vrai, ma fille telle qu’elle est n’est pas digne de vous ! En achevant ces mots, la comtesse porta vivement son mouchoir à sa figure pour étancher ses larmes et étouffer ses sanglots.
M. de Lébis avait déjà un attachement très-vif pour mademoiselle de Soulanges. Or, rien n’excite et n’encourage la passion comme l’apparition d’un obstacle véritable que l’on