comtesse profita de cette disposition pour aborder enfin la question qu’elle avait éludée jusque-là.
— Je dois vous apprendre, dit-elle enfin, que ma fille, quoique âgée de plus de quinze ans et demi, n’a cependant point encore fait sa première communion.
— Elle n’a pas fait sa première communion ! répéta Edmond avec l’accent de la plus grande surprise.
— Non, monsieur ; vous ne devez donc plus trouver singulier si j’attends de vous une retenue tellement grande auprès de ma fille, que rien ne lui fasse soupçonner nos projets, que rien ne lui donne à penser que vous avez la moindre envie de lui plaire, même dans les plus petites choses.
Edmond n’entendit pas cet arrêt sans éprouver un extrême chagrin. Il aimait beaucoup mademoiselle de Soulanges, et l’idée de feindre l’indifférence auprès d’une personne qui lui inspirait déjà des sentiments si tendres, répugnait tout à la fois à son cœur et à son caractère.
— Vous voyez le cas que je fais de vous, dit la comtesse, qui s’aperçut de la peine qu’éprouvait le jeune homme ; c’est plus que du courage que j’attends de vous, c’est de la vertu.
— À quelle épreuve me mettez-vous, madame !... Mais quoi ! il est vrai qu’elle n’a pas fait sa première communion ?... Mais par quelle étrange fatalité mademoiselle votre fille, si heureusement née, si bien élevée, si soignée par vous, n’a-t-elle pas accompli un acte comme celui-là, un acte que l’usage fait faire deux ou trois ans avant l’âge où mademoiselle votre fille est parvenue ?
— Ah !... comme vous dites, c’est une étrange fatalité !
Après ces mots madame de Soulanges resta quelque temps les yeux fixés à terre, et Edmond attendit avec impatience qu’elle reprît la parole. D’une voix altérée et les yeux humides de larmes :
— Écoutez, monsieur de Lébis, lui dit-elle enfin ; j’avais conçu déjà de vous une idée bien avantageuse ; mais depuis la conversation que nous avons eue ce soir, c’est bien moins à mon gendre futur que je prétends parler qu’à un ami véritable dont le cœur me paraît si droit, si délicat, que je ne