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cupations les plus humbles, et de déployer les ressources de leurs grâces, et quelquefois même de leur coquetterie, en achevant avec plus de promptitude et de dextérité ce qui est confié ordinairement à des mains mercenaires.

En entrant dans l’office et après avoir vu d’un seul coup d’œil comment tout allait, mademoiselle de Liron s’approcha d’une des servantes, chargée de faire un espèce de pâtisserie dont le goût est fort bon en Auvergne. « Mariette, lui dit-elle, tu ne t’y prends pas bien, mon enfant ; range-toi et laisse-moi faire. » Tout en parlant ainsi, elle releva ses manches jusqu’auprès de l’épaule, et enfonça ses jolies mains blanches et potelées dans la pâte jaune déjà préparée.

Il y avait quelques instants que notre héroïne se livrait à cette occupation quand Ernest, qui l’avait vainement cherchée par toute la maison, arriva enfin dans l’office en désespoir de cause.

Il allait parler, mais sa cousine le prévint, parce qu’elle lut dans ses yeux qu’il allait faire et dire quelques sottises.

— Vous venez des prés, n’est ce pas ? lui dit-elle d’un air qui provoquait une affirmation.

— De quels prés ? demanda Ernest.

— Eh mon Dieu ! mon cousin, nous n’en possédons pas tant qu’il faille un effort de réflexion pour les désigner. A-t-on enlevé tous les foins du côté de Royat ?

— Oui, ma cousine.

— Et tous ceux du côté de Villar ? on achève de les mettre sur les chars, n’est-ce pas ?

— Oui... oui... oui, mademoiselle, dit enfin Ernest, dont l’esprit et les yeux étaient distraits par ces demandes imprévues et par les mouvements des beaux bras de mademoiselle de Liron.

— Oui, ma cousine, répéta-t-il en souriant, tout va bien. Mais ne craignez-vous pas de vous fatiguer ? reprit Ernest avec un ton soumis et caressant.

— En vérité je crois que vous n’avez pas tort, car ce travail s’accorde mal avec la saison. Vous avez mon mouchoir, n’est-ce pas ? ajouta la jolie travailleuse ; donnez-le que je me rafraîchisse le visage.