Deux jours après, la gaieté naturelle de son caractère avait repris le dessus, et son cousin, dont les inquiétudes étaient restées les mêmes, avait bien de la peine à lui faire observer les ordonnances des médecins. Devenu son voisin, il l’engageait à se mettre au lit de bonne heure, ayant soin, lorsqu’elle était couchée, de lui faire des lectures ou de l’entretenir par les récits de ce qu’il avait vu de curieux, pour lui ôter l’occasion de prendre trop d’exercice et de s’émouvoir en se laissant aller au plaisir de parler.
La diète recommandée par les médecins avait fait supprimer le souper. Mais comme mademoiselle de Liron attachait à ce repas l’idée d’un plaisir tout à fait étranger même à la friandise, elle avait dit à Mariette de continuer à préparer le guéridon chaque soir, afin qu’elle pût voir au moins Ernest souper auprès d’elle. C’était le moment de la soirée où il était le plus difficile de lui faire observer le silence, et quand elle ne souffrait pas précisément de son mal, elle avait des apparences de santé tellement trompeuses, que son cousin lui-même oubliait parfois les précautions qu’on lui avait dit de prendre.
On doit bien s’y attendre ; ces conversations roulaient habituellement sur ce qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre ; et il serait bien difficile et bien long de les rapporter toutes. Un soir cependant, Mariette venait d’enlever les débris du souper d’Ernest, et celui-ci, placé sur une chaise et le coude appuyé sur le lit de sa cousine, l’écoutait parler.
— Je ne sais, disait-elle, comment il se fait que je me résigne aussi facilement à tout ce qui m’arrive. Car enfin je suis malade... Et sérieusement, je le sens bien. Toutefois, si j’en excepte les instants où la douleur est poignante, quand je ne suis que malade, je me félicite presque de l’être.
— Comment pouvez-vous tenir ce langage ! dit Ernest ; vous ne pensez donc pas à ceux qui vous aiment ?
Et en parlant de la sorte, il flattait doucement sa main de la sienne.
— Hélas ! si, j’y pense... Mon père !... Mais sa raison est éteinte, son intelligence est morte... Tu sais, Ernest, le respect, les soins tendres que je lui porte ; mais enfin nous