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38 PREMIÈRE PARTIE — LA CRISE ÉCONOMIQUE

Vivant en Angleterre, au milieu dïin peuple mer- cantile, affairé et biblique, sans tradition profonde et sans idéal, au moment d'une exceptionnelle suracti- vité commerciale et industrielle, Karl Marx a pu croire que la société ne se composait que de mar- chands, de capitalistes et d'exploités, avec pour âmes des balances, de Targent et des machines. Ainsi, tout a pu lui paraître matérialisé aussi grossièrement et fatalisé.

Nos utopistes étaient plus humains, et par là, soyons-en assurés, plus vrais. Ils étaient surtout de meilleurs éducateurs du prolétariat. Les travailleurs de 1848 ont pu mettre trois mois de misère au ser- vice de la République, qui les en a récompensés en les fusillant et en les déportant; ceux d'aujourd'hui, avec toute leur science socialiste, leur organisation de classe et leurs phrases, n'ont pu, au lendemain de la sanglante échauffourée de Villeneuve-Saint-Georges et de l'arrestation de leurs chefs, faire réussir 'une grève de protestation de vingt-quatre heures.

C'est en revenant à Proudhon que M. G. Sorel peut infiltrer dans le dur marxisme des considéra- tions éthiques et prendre le souci d'exalter l'énergie prolétarienne. Ainsi, il n'admet plus que les socia- listes s'interrogent sur ce que la société doit être, il concède qu'il leur faut savoir « ce que peut le prolé- tariat dans la lutte actuelle de classe » ; s'il persiste à trouver trop niaises les eschatologies utopiques, il indique à l'enthousiasme populaire des mythes Kîomme la grève générale et la révolution, qui sont tout aussi chimériques.