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22 PREMIÈRE PARTIE — LA CRISE ÉCONOMIQUE

ancêtres ont vécu, ce n'est pas là qu'il est né, ce n'est pas là qu'il mourra. Il n'a aucun désir d'amé- nager son taudis, et il s'y sent comme en prison. Voilà pourquoi il va au cabaret.

Aucune sécurité. La misère est là, toujours mena- çante, — même pour les meilleurs. On lui prêche la prévoyance, l'économie. Certes, quelques-uns pour- raient économiser, aux bons jours, sur leurs dé- penses en tabac, alcool, ou autres futilités plus ou moins nocives; mais les autres?... Ce n'est pas dans la nature sociale du prolétaire d'économiser. C'est donc proprement le dénaturer que de l'amener à séparer sa cause de celle de ses compagnons, de gâcher sa généreuse insouciance dont une société constituée positivement saura tirer le meilleur parti.

L'ouvrier n'a aucune sécurité. Il est engagé à la semaine, parfois à la journée. Dans certaines pro- fessions, celle des typographes, par exemple, il n'est pas rare qu'on embauche pour un coup de main de deux ou trois heures seulement. Le patron n'a pas à se gêner, il sait qu'il y a toujours la réserve pa- tiente des sans-travail à sa disposition. Il ne prend donc Touvrier que pour le moment précis où il en a besoin. L'économiste peut s'en féliciter, puisqu'il y a diminution de frais généraux, mais le sociologue^ qui tient compte de l'humanité, s'inquiète.

L'usine, pouvant choisir, élimine les vieux, les fourbus, les infirmes. Et c'est d'autant plus triste qu'elle a dissous le foyer où, autrefois, ils trouvaient un refuge. On sait ce que le machinisme au service