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CHAPITRE PREMIER — LES PROLÉTAIRES 21

perdrait quelque chose si le pays était envahi et conquis.

Mais l'ouvrier? Sans doute, son sort paraît meil- leur, il a des salaires bien plus élevés que les gains des cultivateurs, il est indépendant, il a les plaisirs de la ville, il jouit d'un certain confort, il peut même, s'il en a le goût, profiter des musées, biblio- thèques, cours et conférences, associations, etc. Et pour beaucoup, et pour lui-même, qui est souvent un fils de paysan attiré par les facilités de la ville, c'est une situation plus enviable que celle du cultivateur. Mais, on l'entend bien, il ne s'agit pas ici des idées personnelles que chacun se peut faire du bonheur, mais des conditions sociales qui le réalisent pour le plus grand nombre, dans Tordre.

L'ouvrier n'a pas de racines, car il n'a pas de foyer. La machine lui prend sa femme et son enfant (presque la moitié des femmes françaises, 6,300,000 sur 14,300,000, la grande majorité des femmes pro- létaires sont salariées). Une machine nouvelle, le jeu des forces économiques non réglées, quelquefois la spéculation des financiers anonymes ou la volonté du patron à qui l'opinion publique n'impose plus aucun devoir, moins que cela encore, une simple modification du caprice de la mode le jettent sur le pavé ou l'obligent à se déplacer. Le serf avait sa cahute auprès du donjon de son seigneur, qui l'exploitait mais qui le protégeait : Touvrier n'a que des gîtes provisoires. Il n'est que campé dans la société. 11 ne saurait rattacher aucun souvenir ré- confortant à son triste logis. Ce n'est pas là que ses