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312 TROISIÈME PARTIE — LA CRISE MORALE

contenues, pour qui s'en tient à sa propre manière et se satisfait de passer.

Mais la vie d'un homme social est faite d'autre chose. Suivant Auguste Comte, Thumanité est Ten- semble continu de tous les êtres convergents. Un homme est donc un être social, continu et conver- gent. Il n'est rien autre qu'une brute mauvaise aux autres et à lui-même s'il ne continue ses ascendants, s'il ne se relie à ses contemporains et s'il ne laisse rien de lui à ses descendants pour que ceux-ci le continuent à leur tour.

On a dit qu'on pouvait user du téléphone et être un barbare ; il est aussi vrai qu'un boulevardier qui use et abuse de toutes les jouissances raffinées de la civilisation, un politique qui savoure toutes les vo- luptés du pouvoir, aussi la mondaine qui se pare de riches joyaux pour être admirée et le prolétaire ivro- gne ne sont souvent que des malheureux.

La prospérité, la paix et la liberté sont de formi- dables dissolvants, quand il n'y a plus d'âme. Et il n'y a plus d'âme, quand il n'y a plus d'ordre.

AJors, la prospérité est faite surtout du gaspillage insensé du capital humain hérité des ancêtres et que nous avions à transmettre, accru de notre apport, à la postérité, aussi de l'oubli des devoirs impérieux que nous avons envers nous-mêmes, envers les autres, et tout particulièrement envers ceux qui con- tribuent à produire cette prospérité. Alors, la paix n'est pas le résultat d'un équilibre de forces, mais •d'une langueur commune, d'un renoncement décou- ragé. Alors, la liberté n'est pas l'organisation de