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CHAPITRE II — l'anarchie DISSOLVANTE 225

faud ait une signification, p9ur qu'il soit efficace, il faut qu'il conserve sa tragique majesté. Il faut que les mains qui y poussent lé criminel, pour la sauve- garde sociale, soient propres ; il faut que la robe rouge soit intacte...

L'affaire Steinheil est la marque du régime. Elle en a remué toutes les saletés.

Il y a le mari décoré de la Légion d'honneur pour les « services exceptionnels » de sa femme, laquelle sait aussi — avec les mêmes procédés sans doute — faire acheter par l'État les piteux barbouillages de ce lamentable sous-Meissonier. On avoua six de ces achats. On aimerait à connaître les commensaux de l'impasse Ronsin, ou les passagers du canapé du Vert-Logis qui ont fait payer ainsi par l'État leurs petites émotions clandestines.

La Steinheil réunissait autour d'elle, à ses soirées, pour sa cour, des hauts fonctionnaires, des géné- raux, des politiciens de marque, de fringants gentils- hommes et des bourgeois cossus. Tous ces adorateurs savaient cette reine très accessible. Aucun de ces dirigeants n'ignorait, ne pouvait ignorer — cela se savait même dans le peuple — ce qu'était ce mari décoré, ce qu'était cette mondaine, et de quelles ignominies s'alimentait leur luxe. Et c'est précisé- ment parce qu'ils en étaient instruits qu'ils met- taient aux pieds de cette fille leur or, celui de leur famille, leur influence, et le reste. Les uns espé- raient, les autres étaient reconnaissants. C'est l'igno- minie de ce ménage très parisien qui attirait ces grands personnages.

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