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180 DEUXIÈME PARTIE — LA CRISE POLITIQUE

(( Non pas que je blâme le procédé lui-même ; il en faut un, et celui-ci vaut les autres : en toute asso- ciation, il s'agit de trier, dans la masse, les posses- seurs des gros lots, et selon les pays, les moyens de triage sont différents. Mais selon qu'ils sont divers^ ils développent une aptitude diverse. A Lilliput, où, pour monter haut, il fallait danser sur la corde, c'é- tait sans doute la grosseur des mollets. En Chine, où il faut exceller dans la connaissance des vieux textes, c'est la pédanterie classique. En France, c'est Taffais- sement cérébral et le flux de langue. Voyez le travail machinal et monstrueux des candidats qui aspirent aux grandes écoles, puis, au sortir de ces mêmes- écoles, la fatigue profonde, Talanguissement, la flânerie au café ou à domicile, l'inertie bureaucra- tique ou provinciale. Comparez l'élève de l'École Polytechnique, cloué quatorze heures par jour de- vant des formules, et l'ingénieur qui va bâiller, sa femme au bras, pour voir si les cailloux sont bien cassés. Avec cet encombrement des carrières et cette réglementation des étapes, nous parvenons d'abord à essouffler nos chevaux de courses, ensuite à les changer en bidets de fiacre. Entre ici, mon ami, si tu es patient, et que tu veuilles traîner un fiacre ; cherche ailleurs, si tu es nerveux et si tu veux garder tes élans de course ».

On a donc donné aux Français le dégoût du tra- vail, de l'initiative, la peur du risque, on leur a fait des âmes étriquées de ronds-de-cuir. Comme ce n'est que dans les emplois publics que l'on est as- suré d'être toujours rémunéré, retraité et — suprême