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CHAPITRE IV — LE SYNDICALISME 137

C'est une utopie qui ressemble à toutes les uto- pies. Elle néglige les complexités sociales, et même celles que Texpérience ouvrière a déjà pleinement mises en lumière. C'est une manifestation intellec- tualiste dans le syndicalisme, un retour insidieux du socialisme, un recul.

Les ouvriers ne comptent pas pour un sixième de la population ; Tatelier, le syndicat n'absorbent qu'une partie de leur temps. C'est dire que le syn- dicat ouvrier n'est qu'une partie de la vie sociale pour une partie de la population française, et non les plus grandes. S'il apparaît aux syndiqués comme le seul centre de la vie individuelle et sociale, c'est que, présentement, les autres centres n'ont plus au- cune vitalité. Mais la première tâche d'une réaction d'ordre sera de les ranimer. I! est certain qu'alors un ouvrier, par exemple, consacrera plus de ses loi- sirs à sa famille, à l'éducation de ses enfants, qu'à son syndicat. Si le syndicat est un organe important^ il n'est pas toute la société. Les intérêts corporatifs ne sont pas toujours l'intérêt public, et ce n'est que l'intérêt public que l'État doit représenter.

Le syndicalisme, quand il revient à sa pratique et aux leçons qui s'en dégagent, le reconnaît. En effet, s'il est antipoliticien, ce n'est pas seulement pour s'opposer à la politiquerie électorale, mais encore parce qu'il a appris que les fonctions du syndicat ne sont pas celles de l'État. Il n'a garde de prendre la partie pour le tout.

Le syndicalisme n'est pas tout et ne peut être tout. La société ne se réduira pas à l'organisation du tra-