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36 UN MAÎTRE : AUGUSTE COMTE

la trame de son œuvre ; et il les retrouvait dans leur enchaînement et dans leur ordre. Sa mémoire avait suffi à tout ; pas un mot n'avait été jeté sur le pa- pier. C'est de la sorte qu'en 1826, il composa de tête, sans en rien écrire, le cours qu'il comptait faire, et qui embrassait la philosophie positive tout entière, à sa première élaboration, et alors qu'elle exige le plus d'effort... Quand l'élaboration, chez lui, était au point de maturité, il fallait que l'éclosion commençât... Aussi, une fois qu'il avait pris la plume, il ne pou- vait plus la quitter, et ces gros volumes du Système de philosophie positive ont été rédigés d'une seule haleine. Dès qu'il avait par devers lui un certain nombre de feuillets écrits et qu'il était sûr, à l'aide de cette avance, d'alimenter l'imprimerie, sans l'ex- poser à chômer, il commençait à les mettre sous presse, ne faisant aucun changement sur ses épreuves, dont il ne voyait jamais qu'une. »

Comte avait le souci de la forme. Mais sa con- struction passait avant. Ses premiers opuscules et même le Système de Politique, le Catéchisme, l'Appel aux Conservateurs, la Synthèse montrent qu'il fût de- venu un parfait écrivain, voire un poète, s'il s'y était appliqué. Maurras aime à citer les alexandrins spon- tanés qui sont épars dans les ouvrages de Comte. Celui-ci savait tout ce que la beauté peut dispenser de joie à l'homme. Son œuvre est belle dans son en- semble, dans sa ligne, et d'une beauté plus rare, plus durable que celle du verbe. Ne déplorons rien. Comte devait choisir, et il a choisi, heureusement, « dignement », d'être ce qu'il restera dans les siècles des siècles : le fondateur du positivisme, le promo- teur de la religion de l'humanité.